REFLEXION SUR LA PARACHA NASSO

Voici une brève chronologie : Le peuple d'Israël a quitté l'Égypte au milieu
du mois de Nissan. Sept semaines plus tard, au cours du mois de Sivan,
la Torah a été donnée sur le mont Sinaï - un événement que nous avons
marqué la semaine dernière, à Chavouot. Quarante jours plus tard, Moshé
est descendu du Mont Sinaï avec les Tables de la Loi, qu'il a brisées à la
suite du péché du veau d'or. Après quatre-vingts jours de prière, le jour de
Yom Kippour de cette année-là, Moshé revint avec une autre série de
tables et quelques nouvelles : D… avait ordonné la construction du
tabernacle (Michkan). La nation rassemble avec enthousiasme les
matériaux nécessaires, et la consécration du Michkan a lieu le premier
jour du mois de Nissan, la deuxième année après que la nation ait quitté
l'Égypte. Une description détaillée de la consécration du Mishkan figure
dans le livre de Vayikrah.
Le livre de Bamidbar, que nous avons commencé à lire la semaine
dernière, s'ouvre sur un compte rendu des recensements que Moshé
effectue le premier jour du mois de Iyar. Ces événements précèdent une
migration massive de centaines de milliers de personnes vers la Terre
d'Israël. Le voyage lui-même a eu lieu le vingtième jour du mois de l'Iyar
(un événement dont nous parlerons la semaine prochaine).
Au vu de cette chronologie, nous nous demandons pourquoi la Torah avait
besoin de mentionner les sacrifices que les princes avaient offerts au
cours du mois précédent. Ce n'est pas une simple question
d'anachronisme.
C'est-à-dire, à moins que la Torah n'ait jugé bon de nous transmettre un
message à ce stade de la lecture, alors que la nation se prépare au
voyage vers la Terre d'Israël.
J'aimerais m'attarder sur le verset très spécial décrivant les princes qui ont
apporté les sacrifices. La Torah relate ce qui suit : "Les princes d'Israël,
les chefs des maisons de leurs pères, ont présenté. Ils étaient les chefs
des tribus. Ce sont eux qui étaient présents lors du recensement." La
Torah n’utilise pas moins de quatre expressions pour les décrire : les
princes, les chefs des maisons de leurs pères, les chefs des tribus, et ceux
qui étaient présents lors du recensement. Certains de ces titres semblent
contradictoires, puisqu'un prince est le chef d'une tribu, alors que le chef
de la maison paternelle est visiblement le chef d'une famille élargie au sein
de la tribu. Pourquoi, alors, la Torah a-t-elle attribué tant de titres à ce
groupe de personnes ?
Le brillant commentaire de Rachi a attiré mon attention. Il décide
d'associer les princes aux maîtres égyptiens : "Ils étaient les officiers
supérieurs en Égypte, et ils ont été battus à cause d'eux". Ces princes
n'étaient pas de la noblesse, et ne devaient pas leur travail à des liens
familiaux ou au favoritisme. Ces hommes étaient en Égypte, parmi leurs
frères souffrants, et ils avaient été battus lorsqu'ils avaient essayé de
défendre les esclaves qui n'avaient pas accompli leur quota de travail
quotidien prévu. Ils portaient sur leurs épaules la douleur de toute la
nation, et ainsi, ils ont gagné le droit de mener leur peuple à travers le
désert. Cette interprétation donne une autre connotation au mot "nassi"
(prince).
La nation d'Israël s'est mise en route pour un voyage en Terre d'Israël, et
la Torah veut nous montrer qui étaient ces princes. Le jour de
l’inauguration du Mishkan, chacun d'entre eux souhaite offrir des sacrifices
pour expier les péchés de leurs tribus, et pour que les tribus puissent
persévérer. Ils étaient entièrement absorbés par leur préoccupation pour
les hommes de leur tribu, et ce sont eux qui les conduiraient sur le chemin.
Sémantiquement, il est plus logique de placer le chapitre traitant
des sacrifices aux côtés des autres activités entourant la
consécration du Mishkan, plutôt que juste avant que la nation ne
commence son voyage dans le désert.
Deux mots peuvent désigner un leader : roch (tête) et nassi
(prince). Un roch est le chef qui dirige avec son esprit et sa raison.
Un nassi, en revanche, est autre chose. Un nassi porte un peuple
sur ses épaules, ressent sa douleur, trouve des remèdes à sa
douleur et répond à ses besoins.
C'est peut-être pour cette raison qu'on les appelle aussi "les chefs des
maisons de leurs pères". Ils considéraient chaque membre de la tribu
comme leurs propres enfants.
Un prince tribal n'est pas un travail paisible. C'est le rôle destiné à ceux
qui sentent que ce travail est un moyen pour eux d'être à la hauteur de
leurs responsabilités envers leurs tribus. Ces tribus se rendent en Terre
d'Israël, où elles devront résister à des épreuves aussi complexes. Il est
d'une importance vitale pour nous de pouvoir faire confiance à nos
dirigeants, et soyez assurés qu'ils ont fait de nos préoccupations
leur première priorité. Ils doivent être prêts à être battus pour notre
compte et à sacrifier des animaux en notre nom, et si tout cela est vrai, ils
nous mèneront sûrement sur le chemin de la sécurité vers notre patrie.
Chabbat Chalom
Rabbin Moshé SEBBAG