Le miracle de la Mer Rouge ou le passage de la croyance à l’expérience

Le miracle de la Mer Rouge ou le passage de la croyance à l’expérience

« Israël vit la Main puissante dont usa l’Eternel contre l’Egypte. Le peuple craignit l’Eternel ; ils eurent foi en l’Eternel et en Moise Son serviteur ». (Exode14, 31)

Ce célèbre verset introduit le cantique qu’entonnèrent Moise et les enfants d’Israël   à la suite du miracle exceptionnel de l’ouverture de la Mer Rouge devant le peuple et après la submersion des Égyptiens. Un tel bouleversement de l’ordre naturel établi n’avait jamais été opéré auparavant. Aussi, l’Eternel à travers une multitude de miracles et de prodiges que nous comptabilisons le soir de Pessah affirma-t’Il haut et fort Sa toute puissance à travers le monde. Ce point culminant de notre délivrance mit en lumière l’ensemble des piliers de notre foi en l’Eternel : L’existence de D. créateur du monde, l’exercice de Sa providence à chaque instant, l’omnipotence et l’omniscience du créateur.

 

Toutefois ce verset évoquant la foi du peuple juif interroge sur son timing. En effet, il semble sous-entendre que jusqu’au miracle de la Mer Rouge les enfants d’Israël n’avaient pas encore embrassé cette foi. Le texte donne l’impression ici qu’il a fallu cet ultime miracle pour impacter les enfants d’Israël, comme si les prodiges des dix plaies vécus en Egypte n’avaient pas suffi à susciter cette foi. Nous devons donc comprendre qu’il existe différents niveaux de Emouna. Ainsi, nos ancêtres, d’un miracle à l’autre, ont transité par ces différentes strates jusqu’à atteindre un niveau inégalé de croyance, la foi suprême, celle vers laquelle nous devons tous tendre.

 

En effet, pour faire simple, les rabbins expliquent qu’il existe deux types de foi. D’une part, la foi théorique : la croyance. Elle est le fruit d’un héritage ancestral et peut être également le résultat d’une véritable démonstration scientifique.  La croyance en D. est déjà un atout majeur. Forts de celle-ci, nous affichons fermement notre identité et nous nous engageons pleinement dans la pratique de la Thora et des Mitsvoth. Néanmoins, un danger nous guette. N’étant que théorique, la moindre démonstration philosophique opposée à notre croyance est en mesure de faire chanceler notre foi. Tant que la Emouna reste théorique, elle reste menacée par les apparentes injustices de notre temps, par les mystères impénétrables de notre destinée individuelle et collective.

 

La Emouna se doit d’être sublimée. Nous devons passer du stade de croyance au stade d’expérience : vivre de tout son être la foi. Ainsi, lorsque nous ressentons sensoriellement la vitalité que procurent la Thora et les Mitsvoth, quand nous vivons concrètement notre attachement à D., plus rien ne peut nous détourner de notre foi. Ressentir de tout notre être cette énergie exceptionnelle que procurent la Thora et les Mitsvoth, tel est le défi de la Emouna.

 

Nous disons dans la prière du soir le texte suivant : « Ta royauté, Tes enfants l’ont vue, au passage de la mer. » Au moment du miracle de la traversée de la Mer Rouge, nous avons littéralement palpé du bout des doigts la présence de l’Eternel. Nous avons vu la présence de la Chehina.  Nous avons ressenti intérieurement une proximité avec D. jamais inégalée. Aussi, sommes-nous passés d’une simple croyance en D. à une expérience concrète et réelle.

 

Pour illustrer cette expérience unique, le Midrash Rabbah affirme que les chevaux eux-mêmes ressentirent la présence de l’Eternel dans la mer.

L’Egyptien rappelant à l’ordre sa monture dit : « Je ne comprends pas, hier je devais te tirer pour t’abreuver au Nil, et aujourd’hui, tu te précipites dans la mer pour m’y noyer. Ainsi que dit le verset « Le cheval et son cavalier, Il précipita dans la mer ». L’animal répond alors à son maître : « Je me précipite à la rencontre du Très- Haut présent dans ces eaux ».

 

Ce niveau suprême de Emouna, cette expérience concrète nous pouvons nous aussi l’acquérir. En effet, la Thora, qui n’est autre que l’émanation de la volonté du Tout Puissant, nous permet de ressentir au plus profond de nous notre attachement au Créateur. A travers l’étude, à travers la pratique des Mitsvoth, nous éveillons en nous, la parcelle divine que D. a implanté au fond de tout un chacun : « L’Eternel est une part de moi, dit mon âme, c’est pourquoi j’espère en Lui. » (Lamentations3,24). Dès lors, nous sommes en mesure de ressentir dans notre chair une vitalité exceptionnelle et spirituelle, une sensation d’être comblés de bonheur : A ce stade, nous vivons pleinement et concrètement notre Emouna. Aussi, lorsque nous nous relâchons dans la pratique de la Thora et des Mitsvoth, ressentons-nous intérieurement un vide qui ne demande qu’à être comblé. Notre vécu des Mitsvoth devient alors le véritable moteur de notre ascension spirituelle, de notre progression. Grâce à cette expérience unique, nous sommes portés et poussés à mettre en œuvre la Thora et les Mitsvoth et nous fuyons ainsi faiblesse et paresse dans notre engagement. Notre Emouna se voit ainsi être sublimée en une véritable expérience concrète et réelle. Plus rien alors ne peut venir ébranler et contrarier notre fidélité à Hachem.

 

Aussi, le soir du Seder de Pessah, le récit approfondi de la Hagadah, les échanges et débats entre parents et enfants, la ferveur que nous mettons dans l’accomplissement de la Mitsva de la Matsa et du Maror, permettent-t ’ils de développer en nous et en nos enfants un véritable vécu concret et sensoriel de la Thora. Plus nous nous investissons dans la préparation de ces fêtes et plus la Emouna concrète se substitue à la foi théorique. Aussi, à l’issue de cette soirée magique entourée de nos enfants et petits-enfants, pourrons-nous concrètement vivre la présence de l’Eternel et entonner avec joie : « Voici mon D. et je veux le célébrer, le D. de mon père et je veux Le glorifier »

 

PESSAH CACHER VESAMEAH